L’impact des sciences sociales sur la communication organisationnelle – Clara Lamache
Reflet de nos interactions et de nos comportements, la communication organisationnelle fait partie intégrante de notre quotidien.
La place de la communication est devenue une fonction clé de l’entreprise. Néanmoins, si son utilité est sans conteste, il n’est pas évident de trouver le bon équilibre. La sur-communication peut être synonyme de surcharge d’informations, de confusion ou encore peut porter à une mauvaise interprétation ou compréhension des messages transmis. À l’inverse, sous-communiquer peut amener de la frustration, un manque de clarté, de confiance ou encore de transversalité.
À l’étude de la communication organisationnelle, on note que chaque comportement verbal / non-verbal, formel / informel s’inscrit dans un cadre et dans un contexte (De la communication organisationnelle aux « approches communicationnelles » des organisations : glissement paradigmatique et migrations conceptuelles, Jean-Luc Bouillon, Sylvie Bourdin and Catherine Loneux, 2007). C’est l’adjonction de ces contextes s’influençant mutuellement qui donne du sens à l’interaction et nourrit la culture organisationnelle. Ainsi, la communication incite à lire l’entreprise comme un système de comportements et de contextes en interactions. Les sociologues ont modélisé ce système appelé le « modèle SIC » organisationnel autour de 3 dimensions : la Structure, les Interactions et la Culture :
Le premier élément, la Structure se réfère aux fondements mêmes de l’entreprise. Dans ce modèle, la structure est formelle et mouvante, faisant face à des contraintes internes et externes. Pour Paul Lawrence et Jay Lorsh, l’entreprise s’adapte sans cesse aux aléas de l’environnement (Organization and Environment, Paul Lawrence et Jay Lorsh, 1969).
Le deuxième élément, les Interactions se définissent par les négociations et les rapports de pouvoirs entre acteurs qui apparaissent dans un système de relations au sein de l’entreprise. Les sociologues Michel Crozier et Erard Friedberg l’ont interprété par l’intégration de stratégies de jeux de pouvoirs (L’Acteur et le Système, Michel Crozier et Erard Friedberg, 1977). Le contexte dans lequel évoluent l’entreprise et les individus la composant fait apparaître des règles de jeu selon lesquelles chaque acteur connaît son rôle et cherche à asservir ses intérêts personnels. Ainsi, les comportements des acteurs reposent sur un système de relations sociales formelles et informelles, dirigés selon les stratégies individuelles de chacun.
Enfin, la Culture se caractérise, dans l’entreprise, comme un monde social dans lequel chaque acteur construit son identité à partir des cultures locales (personnelles et collectives). Selon R. Sainsaulieu, c’est à travers ce processus de construction que les individus donnent un sens à leurs actions (L’identité au travail : les effets culturels de l’organisation, Renaud Sainsaulieu, 1977).
La quête de cet équilibre systémique durable est primordiale. En effet, c’est dans la coopération entre les acteurs, et la socialisation et la légitimation de projets et d’objectifs communs, que l’accomplissement et l’acceptation du changement au travail sont possibles (Norbert Alter).
Pour autant, dans le contexte actuel, plusieurs éléments viennent bouleverser cet équilibre. Ces dernières années, l’intensification du travail à distance a amené des transformations notables dans les manières d’interagir. Le télétravail a créé une distance tant physique que psychosociologique, avec pour conséquence, la détérioration de la fluidité et de la qualité de la communication. Il est évident que la distance imposée par le télétravail a un impact sur les règles du jeu auxquelles les acteurs sont socialisés. Le conférencier américano-britannique, Simon Sinek, explique que le maintien constant du télétravail est destructeur à plusieurs niveaux : de l’intégration des nouveaux collaborateurs à la solidification des relations entre personnes, en passant par le brainstorming. Si les « TIC » (Technologies d’Information et de Communication) avaient, à leurs prémisses, une résonnance économique en termes d’optimisation de la performance, il semble essentiel de conserver une connexion humaine afin d’éviter l’inversion de l’effet escompté.
Au-delà de ces aspects économiques et de performance, c’est évidemment le capital humain qui peut également pâtir de la situation. Le travail à distance ayant entraîné des dérèglements vis-à-vis de notre rapport à autrui, au temps, ou encore de notre « dé-spatialisation », le questionnement autour de la culture de l’entreprise et plus largement, autour de la quête de sens au travail par les collaborateurs semble tout à fait légitime. D’après une étude de « l’APEC » (Association pour l’emploi des cadres), fin 2020, 94% des cadres jugeaient important d’exercer un métier qui a du sens.
Cette quête de sens est un enjeu majeur des entreprises aujourd’hui. Pour y répondre, la communication est un facteur clé : rétablir les liens entre les acteurs, accompagner ces derniers dans les transformations organisationnelles et assouvir leur besoin de comprendre ces changements et rebâtir une culture affaiblie par la distance, etc… Le rôle du communicant est essentiel : il est le porteur de message ; il est le messager du sens.
Le journaliste britannique, Malcolm Gladwell, au travers de son livre « Le Point de bascule : Comment faire une grande différence avec de très petites choses », 2000, présente la manière dont les modes, les idées, les concepts, etc. se propagent à grande échelle. Trois éléments composent cette effervescence : Ceux qui transmettent le message, autrement appelés les « oiseaux rares » (1), ceux qui réceptionnent le message (2), et le contexte dans lequel ces acteurs évoluent (3).
Chez Hector, nous avons la conviction que tout changement passe par une bonne communication. Communiquer, c’est donner du sens aux actions et forger une ambition commune. C’est pourquoi la formation de communautés « d’oiseaux rares » est une pratique que nous utilisons fréquemment pour faire adhérer et fédérer autour d’objectifs communs.