Minute bancaire – Scandale FTX – Noémie Lintz
Faillite de FTX : Va-t-on vers une régulation inéluctable du secteur ?
FTX est une plateforme d’échange de monnaies virtuelles créée en 2019 par Sam Bankman-Fried, surnommé le « roi des cryptomonnaies ». En à peine 3 ans, sa société est devenue l’une des plateformes les plus puissantes du marché, 2ème à l’échelle mondiale, valorisée jusqu’à 32 milliards de dollars en octobre dernier.
Pourtant, un article paru le 2 novembre sur le site spécialisé américain CoinDesk vient jeter le trouble sur le fonctionnement de FTX et sur sa fragilité financière. On y découvre que la trésorerie d’Alameda Research, un fonds d’investissement créé par Sam Bankman-Fried censé être séparé des activités de FTX, repose en grande partie sur le FTT, la cryptomonnaie inventée par FTX, et non sur un actif indépendant comme il est de coutume. Cela jette le trouble sur la valeur réelle des actifs du fonds d’investissement et sur sa solvabilité si le cours du FTT venait à s’écrouler.
Quatre jours plus tard, Changpeng Zhao, le fondateur et patron de Binance, la plateforme concurrente et première bourse crypto au monde, liquide les FTT en sa possession. De nombreux utilisateurs s’empressent alors de vendre les FTT en leur possession par crainte de voir l’actif dévalorisé. Cela provoque l’effondrement du cours du FTT et la plateforme FTX se retrouve rapidement en manque de liquidités face à la ruée des clients. Les retraits sont suspendus de l’échangeur à partir du 9 novembre laissant des milliers d’investisseurs dans l’incapacité de transférer leurs actifs.
Binance propose dans un premier temps à son concurrent de le racheter mais fait finalement volte-face après un audit révélant une mauvaise gestion des capitaux des clients. FTX se déclare en faillite deux jours plus tard. Les rênes de l’entreprise ont depuis été confiées à un spécialiste américain des liquidations.
Pourquoi n’y a-t-il jusqu’ici pas de mise en place de régulation pour les cryptomonnaies comme pour les monnaies classiques ?
Dans ces conditions, le secteur de la crypto se prépare naturellement à faire l’objet d’un tour de vis réglementaire, contre lequel il a pourtant ardemment bataillé ces derniers mois, porté par l’idéal d’un système en dehors du système monétaire.
En effet, les origines des cryptomonnaies remontent au lendemain de la crise financière de 2008. Initialement portées par un courant libertarien, animé par la volonté d’autoriser le règlement de transactions en contournant les banques commerciales et, dans une moindre mesure, les banques centrales, elles étaient également motivées par des velléités de contournement des grandes devises établies (dollar, euro…). Il est tout à fait cohérent, dès lors, que la principale innovation des cryptomonnaies originelles réside dans la disparition du tiers de confiance, rôle assuré jusqu’à présent par les banques commerciales ou un intermédiaire financier, pour les transactions libellées en monnaies officielles, et dans la possibilité d’effectuer des transactions directement, « de pair-à-pair ».
Par ailleurs, les cryptomonnaies remplissent très imparfaitement les fonctions d’une monnaie :
La fonction de réserve de valeur : cela implique qu’elle conserve l’essentiel de son pouvoir d’achat au cours du temps et que l’inflation demeure contenue. La forte volatilité du cours du bitcoin montre que ce n’est pour l’instant pas le cas, les « stable coins » pourraient le dépasser sur ce critère.
La fonction d’intermédiaire des échanges. Elle doit être reconnue et acceptée comme un moyen de paiement. Cette acceptation peut également être imposée par le droit positif. Les cryptomonnaies remplissent ce critère même si leur utilisation reste marginale.
La fonction d’unité de compte. Elle sert d’étalon de mesure permettant de comparer la valeur des objets de transactions. Ce qui suppose que son usage soit suffisamment répandu et sa valeur suffisamment stable pour qu’elle devienne un instrument de mesure accepté, par une très large communauté, ce qui n’est aujourd’hui pas le cas des cryptomonnaies.
Les premières régulations et la volonté d’une action globale
Les Etats, les banques centrales, les régulateurs financiers, les plateformes elles-mêmes, s’accordent à dire qu’une règlementation est nécessaire. En marge du G20 de Bali, une déclaration commune a été publiée : « Il convient d’établir un cadre international permettant de réguler le secteur sur la base du principe suivant : même activité (que la finance traditionnelle), même risque, même régulation ».
À l’instar de la France, et bientôt de l’Union Européenne, des textes ont déjà été adoptés ici et là pour protéger les consommateurs. Un règlement européen Markets in Crypto-Assets (MiCA) est prévu courant 2024 pour protéger les consommateurs.