The Guardian Project – Guilhem CZARNIAK
Qu’est-ce que le « Guardian Project » ?
Il s’agit d’un projet de la Monetary Authority of Singapore, la banque centrale de la cité-état insulaire, lancé en mai 2022, en collaboration avec certains acteurs importants de la finance asiatique et mondiale. En effet, ce projet s’est construit, dès ses prémices, en collaboration avec DBS, la principale banque de Singapour, JPMorgan Chase & Co., banque d’investissement et acteur majeur de la finance mondiale, et Marketnode Pte, société récente spécialisée dans la conception d’infrastructures de marchés numériques multi-actifs. En septembre 2022, SGI Digital Asset Holdings, une importante société de services financiers japonaise, s’est jointe au projet.Ce programme est fondé sur l’exploration des horizons ouverts par les technologies Blockchain pour la finance traditionnelle.
Quels sont ses objectifs ?
Les objectifs du Guardian Project sont de tester les possibilités d’application concrètes de la tokénisation d’assets et de la finance décentralisée (DeFi) au sein de la finance traditionnelle, et ainsi mesurer et gérer les risques de stabilité et d’intégrité financière dans le cadre de l’utilisation de ces nouvelles technologies.
Plusieurs pilotes ont été lancés sur 4 domaines d’application principaux :
- Réseaux ouverts et interopérables ;
- Certificats de confiance ;
- Tokénisation d’actifs ;
- Protocoles DeFi institutionnels.
Pourquoi en parle-t-on ? Existe-t-il des équivalents sur la scène financière mondiale ?
Le projet a fait parler de lui au second semestre de l’année 2022. En effet, dans le cadre des cas d’usage testés, l’un des pilotes, mené sur l’utilisation des pools de liquidités, a été couronné de succès le 2 novembre 2022.
Ce dernier a permis la réalisation de premières transactions en direct sur des opérations de change (yen japonais, dollar singapourien) et d’obligations d’État (Singapour/Japon) sur des pools de liquidités, format propre aux cryptoactifs ayant pour objectif de remplacer les carnets d’ordre utilisés dans la finance traditionnelle.
Ces expérimentations ne sont pas les seules menées au niveau mondial. En effet, la Banque de France, de concert avec ses partenaires européens, explore les possibilités d’émission d’une monnaie numérique de banque centrale. L’objectif étant de lancer un prototype viable à horizon début 2023. Cela s’inscrit dans la lignée de la mise en place d’un régime pilote au sein de l’UE en juin 2022, effectif à compter de fin mars 2023. Son application permettra de lever certaines exigences du cadre réglementaire actuel, rendant possible l’utilisation de la blockchain dans le cadre d’activités de marché ou de post-marché. Il s’agit pour l’instant d’un cadre d’expérimentation afin de permettre aux acteurs comme aux régulateurs nationaux et européens d’acquérir une expérience significative quant à l’utilisation de la technologie blockchain.
Quels sont les avantages de ces technologies ? Quels en sont les risques ?
Plusieurs avantages majeurs de ces technologies sont souvent mis en avant par rapport à la finance traditionnelle. Ces derniers portent principalement sur :
- L’ouverture de certains marchés et/ou produits au grand public ;
- La réduction du nombre d’intermédiaires ;
- La diminution des frais de transactions ;
- La simplification et l’accélération de la réalisation des opérations financières ;
- La sécurisation des transactions, permise par la traçabilité de chaque opération dans la Blockchain et à combiner avec les obligations de KYC existantes au sein de la finance traditionnelle.
Enfin, tous ces avantages trouvent des applications concrètes dans l’exécution de certaines opérations financières spécifiques, telles que les opérations de change, les emprunts en devise étrangère ou les paiements transfrontaliers.
Pour autant ces technologies présentent encore certains risques. L’un des principaux objectifs des expérimentations en cours est donc de mesurer ces derniers et évaluer leurs impacts potentiels. Si le risque le plus évident du marché existant des cryptoactifs est le risque de pertes importantes – qui est plus élevé que sur les marchés traditionnels en raison d’une volatilité importante due au caractère hautement spéculatif de ces actifs – il faut également considérer les risques liés à la technologie en elle-même. En effet, la menace de « crash » des supports utilisés pour le trading d’actifs « tokénisés » reste omniprésent, et les évènements de l’année 2022 confirment cette tendance, avec les crashs respectifs des projets TERRA (LUNA) et FTX. En l’état actuel l’encadrement de ces marchés étant en cours de construction, ils restent encore plus vulnérables que les marchés traditionnels.